Saturnin
2010-11-07 11:43:30 UTC
Quoiqu’il ait son entrée sur Wikipédia, Hybrias de Crète n’est connu que
par un scolion que cite Athénée (15, 696a). Or ce scolion traite du même
sujet qu’un célèbre distique d’Archiloque (fgt 2 Gerber [Greek Iambic
Poetry, Loeb]) :
ἐν δορί μέν μοι μάζα μεμαγμένη, ἐν δορὶ δ' οἶνος
Ἰσμαρικός· πίνω δ' έν δορί κεκλιμένος.
« Pour obtenir le pain qu’on a pétri, je compte sur ma lance, pour
obtenir du vin d’Ismaros, je compte sur ma lance : et je bois, appuyé
sur ma lance. »
On hésite aujourd’hui sur le sens qu’Archiloque donnait ici à δόρυ : au
lieu de « lance », ce pourrait être « navire » (Gerber renvoie à F.
Bossi, _Studi su Archiloco_ – 2e éd., 1990 ). Néanmoins, cela ne modifie
pas le sens fondamental du poème : c’est le métier de mercenaire
(forcément itinérant) qui est le gagne-pain de l’ego ici présenté.
Saluons la brièveté, la simplicité et la force avec lesquelles
Archiloque présente son personnage : trois fois ἐν δορί, mais les deux
premières fois, le ἐν a un sens particulier, signalé par Bailly, s.v.,
A, I, 8 (« dans les attributions de , au pouvoir de ») et par LSJ, s.v.,
A, I, 6 où l’on donne pour l’expression ἐστίν ἐν… le sens de « dépendre
de… », tandis que la troisième fois le ἐν a son sens fondamental de « sur ».
Après avoir évoqué son gagne-pain de manière plutôt informative en un
vers et demi, Archiloque conclut, dans le dernier hémistiche du
pentamètre, par une image qui reprend l’idée en lui donnant corps et en
suggérant un certain bien-être. Mise en évidence par sa place ainsi que
par le changement d’acception du έν, l’image était déjà annoncée par
μάζα et Ἰσμαρικός, qui véhiculent l’idée de saveur. C’est ficelé.
Hybrias a composé sur le même sujet un poème entièrement différent que
je présenterai ci-dessous.
par un scolion que cite Athénée (15, 696a). Or ce scolion traite du même
sujet qu’un célèbre distique d’Archiloque (fgt 2 Gerber [Greek Iambic
Poetry, Loeb]) :
ἐν δορί μέν μοι μάζα μεμαγμένη, ἐν δορὶ δ' οἶνος
Ἰσμαρικός· πίνω δ' έν δορί κεκλιμένος.
« Pour obtenir le pain qu’on a pétri, je compte sur ma lance, pour
obtenir du vin d’Ismaros, je compte sur ma lance : et je bois, appuyé
sur ma lance. »
On hésite aujourd’hui sur le sens qu’Archiloque donnait ici à δόρυ : au
lieu de « lance », ce pourrait être « navire » (Gerber renvoie à F.
Bossi, _Studi su Archiloco_ – 2e éd., 1990 ). Néanmoins, cela ne modifie
pas le sens fondamental du poème : c’est le métier de mercenaire
(forcément itinérant) qui est le gagne-pain de l’ego ici présenté.
Saluons la brièveté, la simplicité et la force avec lesquelles
Archiloque présente son personnage : trois fois ἐν δορί, mais les deux
premières fois, le ἐν a un sens particulier, signalé par Bailly, s.v.,
A, I, 8 (« dans les attributions de , au pouvoir de ») et par LSJ, s.v.,
A, I, 6 où l’on donne pour l’expression ἐστίν ἐν… le sens de « dépendre
de… », tandis que la troisième fois le ἐν a son sens fondamental de « sur ».
Après avoir évoqué son gagne-pain de manière plutôt informative en un
vers et demi, Archiloque conclut, dans le dernier hémistiche du
pentamètre, par une image qui reprend l’idée en lui donnant corps et en
suggérant un certain bien-être. Mise en évidence par sa place ainsi que
par le changement d’acception du έν, l’image était déjà annoncée par
μάζα et Ἰσμαρικός, qui véhiculent l’idée de saveur. C’est ficelé.
Hybrias a composé sur le même sujet un poème entièrement différent que
je présenterai ci-dessous.